Robert Triger

Robert Triger est le cinquième président de la Société Historique et Archéologique du Maine de 1899 à 1927. Docteur en droit, il suivit une formation à l’école des Chartes pour devenir historien. Fort de ce solide bagage académique et du fait de sa longue présidence de près de trente années, il permit à la société historique et archéologique de rayonner dans le réseau des sociétés savantes au niveau national. Ardent patriote, il estimait que le devoir de la société était d’étudier l’histoire locale afin que les habitants se l’approprient.

Robert Triger est le cinquième président de la Société Historique et Archéologique du Maine. Né au Mans le 26 février 1856 d’une vieille famille mancelle, il grandit à Douillet-le-Joly. Sa famille prodigue à ce fils unique une éducation stricte et complète et l’envoie faire une partie de sa scolarité à Caen, puis au lycée de Laval et enfin à celui du Mans. Arrive la guerre de 1870-1871 contre les Prussiens, le forçant à fuir Le Mans et Alençon avec sa famille, avant d’y revenir à la fin de la guerre. A quinze ans, il assiste ainsi depuis son lycée à la bataille d’Alençon. Après le conflit, il parvient à finir ses études et remporte un prix d’histoire et passe un baccalauréat de lettres et un autre en sciences. Influencé par son père, Triger tente l’école Polytechnique mais échoue par manque de volonté. Il s’inscrit alors à la Faculté de droit à Caen : des études menées par nécessité qu’il poursuit toutefois jusqu’à l’obtention du doctorat en 1879. Ce qu’il souhaite surtout, c’est faire une carrière militaire et s’adonner à sa réelle passion : l’histoire. Effectuant son service militaire au 103e régiment d’infanterie, il termine sergent, puis intègre la réserve comme sous-lieutenant en 1883. 

Il suit ses parents qui déménagent au Mans en 1876, et commence à fréquenter la Société Historique et Archéologique qui correspond à ses goûts pour l’histoire, alors qu’il a déjà commencé à se faire connaître grâce à ses premières publications, comme Les premiers troubles dans le Maine en 1789, ou encore Une forteresse (Fresnay) dans le Maine pendant l’occupation anglaise. Pour exceller dans son domaine, il décide d’étudier l’histoire comme auditeur libre à l’École des Chartes en 1882, grande école prestigieuse enseignant avec une méthode pédagogique originale les sciences auxiliaires de l’histoire, la paléographie, la sigillographie, la numismatique, la philologie, la géographie historique, l’archéologie, etc.. Ces méthodes de travail ont façonné ses écrits, lui permettant d’être considéré comme l’un des meilleurs historiens sarthois. Dès lors, il s’adonne complètement à la recherche en Histoire. Après avoir rejoint en 1878 la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, il devient membre en 1883 de la Société Historique et Archéologique du Maine. Il publie chaque année dans la revue de la société sur tous les sujets, de la culture et de l’archéologie à l’histoire en passant par l’art, mais toujours sur l’histoire locale du Maine. Trésorier en 1883, Triger occupe la fonction de vice-président en 1887. Elu conseiller municipal de son village natal de Douillet-le-Joly de 1884 jusqu’à 1922 (avec une interruption entre 1900 et 1904), il est élu membre du Conseil d’arrondissement entre 1886 et 1898, revendiquant son appartenance à un parti libéral et catholique. Opposé à la loi de 1886 pour que l’enseignement devienne laïc, il rejette aussi en 1905 la loi de séparation de l’Église et l’État. 

En 1891, Robert Triger négocie l’installation du siège de la Société dans la maison dite de la Reine Bérengère. Il en devient le président en 1899, en même temps qu’il obtient le poste d‘inspecteur général honoraire de la Société française d’archéologie en 1900. Il publie beaucoup dans la Revue et entreprend de trier et classer toutes ses publications et ouvrages, dont 711 numéros parus jusqu’en 1923 sont recensés dans la Bibliographie générale des travaux de Robert Triger.

Lorsque la guerre éclate en 1914, il est trop âgé pour s’engager. Animé d’un patriotisme viscéral et souhaitant aider son pays, il se tourne alors vers la Société de Secours aux blessés militaires (la Croix-Rouge française) et devient chef brancardier détaché en permanence à l’Infirmerie de la gare du Mans, chargée d’accueillir les blessés et de les redistribuer aux hôpitaux de la ville.

Devant l’affluence de blessés et réfugiés belges, le comité des Amis de la Belgique est créé en 1914, et Robert Triger en devient le vice-président. Grâce à son dévouement, il obtient aussi le rôle d’administrateur-adjoint de l’Infirmerie de la gare. Pendant cette période, il participe à plusieurs organisations pour les blessés, soldats ou civils et devient le vice-président de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe. À la fin de la guerre, il rédige un Historique sommaire de l’Infirmerie à partir de notes prises pendant la guerre. Décoré en 1919 de la médaille de bronze de la Reconnaissance française, il reçoit également  celle du roi Albert de Belgique en remerciement pour son aide apportée aux réfugiés belges. Pendant le conflit, il ne peut pleinement assurer son rôle de président. A la fin de la guerre, comme membre du Comité d’amélioration de l’ordinaire des troupes pour accueillir le retour des soldats de la Sarthe, il fait lever des fonds à l’initiative de la Société historique. Son but au sortir du conflit est de réorganiser la Société dont il envisage le rapprochement avec la Société historique de la Province du Maine, fondée en 1893. Il souhaite aussi abandonner la présidence pour laisser la liberté aux membres de choisir leurs nouveaux représentants et soulager sa propre peine. L’entreprise est cependant un échec et Robert Triger est renouvelé en 1920 à la présidence. Trois nouvelles actions sont alors créées officiellement au sein de la société : les excursions archéologiques annuelles et les conférences régulières, tandis que les charges présidentielles sont diminuées. Il multiplie les actions et sorties pour revitaliser la société. Pour en assurer l’avenir, il choisit comme successeur Raoul de Linière, qu’il estime beaucoup. Il reçoit en 1923 le titre de “porteur du Christ” et devient président d’honneur de l’ancienne corporation liée à la procession des Rameaux à la cathédrale du Mans, une consécration pour ce fervent catholique. Voyant sa fin de vie arriver, Robert Triger entreprend de réunir ses monographies pour les publier sous un même titre. Il clôt aussi la publication de ses articles dans la revue en 1926, l’année du cinquantenaire de celle-ci et de ses vingt ans de présidence. Il en profite pour faire son “testament archéologique”, afin que la société reste un média d’érudition pour tous les intéressés d’histoire locale, quel que soit leur statut social. C’est cette idée qui le poussa à faire de la vulgarisation, notamment avec le principe des excursions qui perdurent encore aujourd’hui et qui permit à la Société de survivre et de se renouveler après la guerre. Il meurt le 15 janvier 1927.

Roxanne Oudeville (Licence 3 Histoire, 2021-2022, Le Mans Université)

Principales publications

Parmi les 369 références indiquées dans le catalogue de la bibliothèque des Archives départementales de la Sarthe :

Ouvrages

Les étudiants manceaux à l’université de Caen, 1440-1567, Mamers, G. Fleury et A. Dangin, 1881, 36 p.

La légende de la reine Berthe et la fondation des églises de Moitron, Ségrie, saint-Christophe-du-Jambet et de Fresnay, Mamers, G. Fleury et A. Dangin, 1883, 32 p.

Les dessèchements subits de la Sarthe au Mans et à Fresnay en 820 et 1168, Le Mans, impr. Monnoyer, 1884, 28 p.

La procession des rameaux au Mans : recherches sur la corporation des Mezaigers et les francs bouchers au Mans, Mamers, G. Fleury et A. Dangin, 1883, 138 p.

Étude historique sur Douillet-le-Joly (canton de Fresnay-sur-Sarthe), Mamers, G. Fleury et A. Dangin, 1884, in 4°, 384 p.

Un bénédictin de l’abbaye Saint-Vincent du Mans, amateur d’art et collectionneur, 1647, Mamers, G. Fleury et A. Dangin, 1885, 22 p.

Une forteresse du Maine pendant l’occupation anglaise, Fresnay-le-Vicomte de 1417 à 1450, Mamers, G. Fleury et A. Dangin, 1886, 171 p.

Les prisonniers de Rocroy à l’abbaye Saint-Vincent du Mans en 1643, Le Mans, impr. Monnoyer, 1887, 30 p.

Les premiers troubles de la révolution dans la Mayenne par V. Duchemin, publié par Robert Triger, Mamers, G. Fleury et A. Dangin , 1888, 217 p.

L’année 1789 au Mans et dans le Haut-Maine, Mamers, G. Fleury et A. Dangin, 1889, 310 p.

Notice sur la vie et les travaux de Eugène Hucher, Mamers, La Province du Maine, 1890

Claude Chappe et le centenaire du Télégraphe, Mamers, G. Fleury et A. Dangin, 1892, 7 p.

La maison dite de la Reine Bérengère, Mamers, G. Fleury et A. Dangin, Le Mans, Pellechat, 1892, 108 p.

Esquisse du mouvement scientifique, historique et artistique dans la Sarthe au XIXe siècle dans le compte rendu et mémoires du congrès provincial de la Société bibliographique, session tenue au Mans les 14 et 15 novembre 1893, Le Mans, impr. Monnoyer, 1894, 85 p.

Les travaux publics au Mans à l’époque de la Révolution et l’ingénieur Bruyère, Mamers et Le Mans, 1896

Avec Dom Heurtebize, Sainte Scholastique patronne de la ville du Mans. Sa vie, son culte, son rôle dans l’histoire de la cité, Solesmes, impr. Saint Pierre, 1897.

L’hôtel de ville du Mans, 1471-1898, Mamers et Le Mans, 1898, La Province du Maine

Le château et la ville de Beaumont-le-Vicomte pendant l’invasion anglaise (1417-1450), Mamers et Le Mans, 1901 et RHAM, T. XLXIX, 1901, p. 243-284.

Les femmes du Maine aux grandes époques de l’histoire, Le Mans, 1902

L’administration municipale au Mans de 1530 à 1545, Le Mans et Mamers, 1903 et RHAM, T. LII, 1902, p. 225-274, T. LIII, 1903, p. 91-128

Sainte-Suzanne (Mayenne), son histoire et ses fortifications, Mamers et le Mans, 1907 et RHAM, Tome LXI, 1906, p. 45-78, 121-168, 271-331 et Tome LXII, 1907, p. 24-99.

La séparation [de l’Eglise et de l’Etat] dans la Sarthe : l’évêché du Mans, les presbytères de la Sarthe, notes et documents, Le Mans, 1907

Les grandes transformations anciennes et modernes de la ville du Mans, Le Mans, 1907

Le Mans à travers les âges, Mamers et Le Mans, 1908

Notes sur le dégagement de l’enceinte gallo-romaine du Mans, Le Mans, 1910

La bienheureuse Margueritte de Lorraine, duchesse d’Alençon, baronne de Fresnay, 1463-1521, ses relations avec le Maine, Le Mans, 1921 et  », RHAM, T. LXXVII, 1920-1921, p. 169-213

L’ancien hôtel de Tessé au Mans et ses collections artistiques, Le Mans, 1922 et  RHAM, T. LXXVIII, 1922, p. 165-246

Articles

« Un coup de main d’Ambroise de Loré en Base Normandie (1431) », RHAM, tome III, 1878, page 279 sq. et à part, Mamers, G. Fleury et A. Dangin, 1878, 29 p.

 « Hommages à Jeanne d’Arc : les vitraux d’Orléans », RHAM, T. XXV, 1894, p. 221-270.

 « L’hôtel de ville du Mans », RHAM, T. XLII, 1898, p. 113-174 « La prise du Mans par les chouans le 15 octobre 1799 », RHAM, T. XLVI, 1899, p. 97-180

« L’ancien hôtel de Tessé au Mans », Bulletin de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, T. XLVIII, 1921-1922, p. 129-160.

 « L’ancien évêché du Mans avant la Révolution », RHAM, T. LXVII, 1910, p. 113-151 et p. 225-262.

« Une prison du Mans pendant la Révolution : la maison d’arrêt de l’évêché (1793-1805) », RHAM, T. LXXIV, 1913, p. 105-130 et p. 233-271

« Les fortifications du Mans : la porte du château », RHAM, T. LXXV, 1914, p. 249-295

« Les origines de l’art dans le Maine à l’époque gallo-romaine », RHAM, T. LXXVI, 1914-19198, p. 20-57

 « Les anciennes enceintes de l’évêché et du château du Mans : sa reconstruction aux XVIIe et XVIIIe siècles », RHAM, T. LXXX, 1924, p. 173-220

Bibliographie

« Robert Triger », Revue de la société historique et archéologique du Maine, tome LXXXIII,1927, pages 3-15

TOURNOUËR H., « Roger Triger, sa vie et son oeuvre », Revue de la société historique et archéologique du Maine, 1928, tome LXXXIV (pages 21-40 et 125-141) et, 1929, tome LXXXV (pages 38-49 et 149-170 et 235-246), 1928-29

LOUIS, Axelle, Autour de Robert Triger, Mémoire de DEA, dir. : Brigitte Waché, Le Mans Université, 1999.