HAUREAU (Barthélemy) (Paris le 9 novembre 1812 – id. le 29 avril 1896)

   

     Elève au lycée Louis-le-Grand et au collège Bourbon, il est lauréat du concours général. D’abord critique d’art vers 1832-33, il trouve sa voie dans l’érudition historique. Il participe à la création d’une revue d’artistes romantiques à la fin de l’été 1832, La Liberté. Journal des arts, publication peut-être liée à la Société libre des beaux-arts. Certains membres sont favorables aux théories babouvistes de Filippo Buonarroti. Dans le N°1, il revendique un rôle politique pour les artistes, attaque les institutions (l’Institut, les écoles), réclame une adéquation entre les arts et le régime politique, à laquelle peut mener l’érudition. Hauréau collabore au National dès 1832, écrit pour d’autres titres : La Tribune, Le Droit, Le Journal du Peuple, la Revue républicaine, où il y rencontre Littré, Louis Blanc. Il soutient les insurrections populaires de juin 1832 et avril 1834. Hauréau publie en 1834 des notices biographiques sur les députés de la Montagne, estimant que la révolution française fut surtout une « révolution philosophique » et considérant Robespierre comme un nouvel apôtre et un martyr. L’ouvrage incite à poursuivre l’œuvre nationale et religieuse commencée par les Montagnards.

     Il quitte Paris au cours de l’été 1834 pour échapper à la répression de l’insurrection d’avril et se réfugie au Mans, où il rencontre le négociant Trouvé-Chauvel et l’avoué Sévin. Après la mort tragique de Carrel en juillet 1836, le journaliste quitte la rédaction du National et participe à la rédaction du journal républicain Le Courrier de la Sarthe dès sa reparution le 31 octobre 1837. Ce journal, créé en février 1831 avait été supprimé après les lois de septembre 1835. Hauréau y soutient Garnier-Pagès, député de la Sarthe, figure du parti républicain. Poursuivi devant la cour d’assises de la Sarthe pour trois délits de presse en mars 1838, il est par Sévin, acquitté par le jury, il essaie de développer son journal en 1841, diffusé sur la Sarthe, l’Orne, la Mayenne. Traduit devant la Cour d’Assises du Maine-et-Loire pour avoir publié un discours de Ledru-Rollin prononcé au Mans. Ledru-Rollin condamné à 4 mois de prison et 3000 F d’amende, et Hauréau à 3 mois et 2000 F d’amende. Toute la presse d’opposition soutient les deux inculpés dans cette affaire qui prend alors une envergure nationale, au nom de la liberté de la presse, de la liberté électorale, de la souveraineté du peuple, de l’immunité parlementaire. La Cour de Cassation renvoie l’affaire devant les Assises : Ledru-Rollin et Hauréau sont acquittés. Pour autant, ce dernier a malgré tout purgé sa peine de prison (du 16 mars au 16 juin 1842). Il renonce à publier quotidiennement son journal, en raison de la succession des amendes. Le 10 mars 1842, il est poursuivi devant les Assises pour « mépris du gouvernement du roi » ; acquitté par une plaidoirie de Sévin. Bibliothécaire adjoint à la Bibliothèque municipale du Mans (1840-1845), il rencontre Dom Guéranger, le réformateur de l’abbaye de Solesmes, est en relation avec Félicité de Lamennais à propos de l’Esquisse d’une philosophie.

     Révoqué quelques temps de ses fonctions, à la suite du discours peu révérencieux prononcé le 8 août 1843 par le maire Trouvé-Chauvel à l’adresse du duc de Nemours, de passage au Mans, il quitte Le Mans en 1845 pour Paris où il collabore de nouveau au National, dont le rédacteur en chef est alors Armand Marrast. En 1845, il affirme son soutien aux révoltés de Pologne dans l’introduction de son Histoire de la Pologne.

     Candidat à la demande des républicains sarthois aux élections législatives d’avril 1848, Hauréau fait quasiment l’unanimité : il est soutenu par la gauche républicaine (comité démocratique du Mans) et par l’Union, journal conservateur. Pourtant, il est battu, sans doute en raison de sa candidature tardive et de son absence du Mans. Il se présente de nouveau aux élections complémentaires du 7 juin 1848 (après l’option d’Armand Marrast et Jules de Lasteyrie pour d’autres départements), est élu grâce aux voix des modérés rassurés parce qu’il défend la propriété dans sa profession de foi. Appartenant au Comité des affaires étrangères, il  vote seul contre le principe de liberté de l’enseignement dans la discussion de la constitution. Effrayé par l’insurrection de juin, Hauréau soutient Cavaignac et vote avec les républicains modérés du National. Assidu, il ne prend pas la parole au début, pas même lors de la discussion sur la loi sur les crimes et délits commis par voie de presse. Il propose des secours aux gens de Lettres le 10 novembre 1848, puis intervient en faveur des bibliothèques publiques quatre jours plus tard. Hauréau fonde le Suffrage Universel dont il est le principal rédacteur. En 1849, il s’oppose à la politique du prince-président et ne représente pas en mai.
     Conservateur des manuscrits à la Bibliothèque nationale à la place de Champollion-Figeac (le frère du découvreur des hyéroglyphes) le 1er mars 1848, il fait partie du Comité historique du ministère de l’Instruction publique et de la commission d’encouragement des belles-lettres en 1848. Hauréau abandonne ces fonctions par refus de prêter serment après le coup d’Etat. Révoqué au printemps 1852, il collabore à des périodiques progressistes s’opposant par l’écriture dans Le Siècle, La Revue du XIXe siècle, Le Courrier du Dimanche, Le Temps. Il soutient la candidature de Waddington aux législatives partielles d’août 1865 dans l’Aisne. Sa position devient plus modérée au fur et à mesure de l’évolution libérale du régime. Il participe à la publication de nouveau autorisée du Courrier de la Sarthe en novembre 1868, désorienté par une opposition interne républicains radicaux et modérés (dont fait partie Hauréau). Hauréau soutient Thiers aux élections de 1869. Le gouvernement de la Défense Nationale le nomme directeur de l’Imprimerie Nationale Candidat aux  élections législatives de février 1871, les républicains modérés de Paris et du Mans l’invitent à se présenter, ce qu’il fait dans la Seine et dans la Sarthe. Il est battu dans les deux départements, présenté comme un réactionnaire à Paris, comme un révolutionnaire belliciste dans la Sarthe. Au moment de la Commune de Paris, il suit le gouvernement à Versailles, rejette la faute de la révolte sur le socialisme. Il démissionne de la direction de l’Imprimerie Nationale lorsque Thiers est renversé, le 24 mai 1873. Le nouveau ministre de la Justice, Ernoul, finit par convaincre cette figure de la république naissante de rester à cette fonction qu’il exerce jusqu’en 1882. Elu membre de l'Académie des inscriptions et belles lettre le 5 décembre 1862, en remplacement d’Edmé-François Jomard (1777-1862), ingénieur, géographe et archéologue, Hauréau fut directeur du Journal des Savants à partir de 1881 et le premier directeur de la Fondation Thiers, à partir de 1893.



Stéphane TISON
Maître de conférences en Histoire contemporaine
Université du Maine